RESUME :
Proposition de compléments de définition de l'"efficacité vocale" dans le chant lyrique
La notion d'"efficacité vocale", traduite par "vocal efficiency" par les
anglo-saxons, est traditionnellement définie, en phonétique et en
physiologie, par le rapport entre la pression acoustique (intensité
physique) et la pression sous-glottique (cm d'eau) d'un son donné.
Cependant, ce type de définition entraîne un cetain nombre de problèmes, de
confusions et de contradictions, tout particulièrement dans le domaine du
chant lyrique :
- Les mesures de pression sous-glottique et d'intensité sont difficilement
réalisables comme un test de routine (appareillage, durée de l'examen...)
- L'efficacité d'une voix se traduit non seulement par la qualité du geste
phonatoire mais aussi par la résistance aux sollicitations prolongées (voix
"endurante"); un autre élement à considérer pour l'efficience est donc la
notion de longévité et de conservation, ce que la formule ne prend pas en
compte.
- Selon cette traditionnelle formule (efficacité vocale = intensité
rayonnée / pression d'air), on a environ des valeurs de 1% (1) donc, comme
machine de phonation, le corps humain est très innefficient! (1)
- On note de grandes différences interindividuelles. (4)
- Selon cette formule, certaines voix pathologiques seraient plus
efficientes que la voix "normale"! (3) car cela ne signifie pas que plus
l'index AC/DC est grand, meilleure est la fonction glottique dans un sens
physiologique: la voix hyperfonctionnelle comme la phonation des bandes
ventriculaires montre une valeur très elevée: au dessus de 0,8 (3, p 199).
- Utiliser le mot "efficience"peut donner lieu à une confusion. Chanter de
la manière la plus efficiente est interprété comme la meilleure façon de
parvenir à la performance musicale désirée. Dans cette etude (4), le mot
efficience est strictement utilisé dans le sens technique de la comparaison
de rapports d'énergie. Comment les chanteurs professionnels trouvent-ils un
équilibre entre des données esthétiques définies et la nécessité d'une
utilisation efficiente du larynx? A puissance acoustique égale,
l'efficacité du larynx est alors moins importante et subordonnée à la
qualité vocale desirée. Les chanteurs professionnels n'utilisent donc pas
leur larynx plus efficacement que les personnes non entrainées testées (4).
- Une autre complication est que l'efficience dans la performance humaine
ne peut pas être mesurable dans des termes purement physiques, mais peut
inclure des dimensions psychophysiques, particulièrement dans les
performances artistiques. Un chanteur peut créer des illusions de facilité
qui ne sont pas directement traduisibles dans la conversion de l'énergie.
- Dans les voix chantées professionnelles entraînées, l'efficience vocale
n'est pas refletée dans les valeurs de la pression sous-glottique, mais
aura son origine dans l'usage propre du conduit vocal (2).
Ces remarques montrent donc que l'efficacité vocale est une notion
complexe, qui dépasse bien largement quelques considérations physiques.
Fâce à ces difficultés, l'etude a pour but d'en proposer des compléments de
définition, tout particulièrement dans le chant lyrique. Outre les versants
acoustiques et physiologiques, afin de "balayer le concept" puis d'ordonner
les résultats obtenus et d'en établir des éventuels rapports avec des
grandeurs mesurables, on utilisera en premier lieu une approche plus
"cognitive" pour définir cette notion. Plus exactement, il s'agirait de
mieux connaître la représentation cognitive de l'"efficacité vocale" en
adressant à une population de personnes de différentes catégories un
questionnaire, à l'issue duquel des mesures plus objectives de l'efficacité
vocale dans le chant pourront être proposées.
Références:
(1) TITZE IR (1992): Vocal efficiency, J. of Voice, vol 6, n° 2, 135-138
(2) SCHUTTE HK (1992): Integrated aerodynamic measurements, J of voice,
6(2), 127-134.
(3)stevens k & hirano m (1981): vocal fold physiology, university of Tokyo
press, 421 p
(4) SCHUTTE HK (1984): efficiency of professiona lsinging voices in terms
of energy ratio, folia phoniatrica, 36, 267-272
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